Suspension de l'étudiante infirmière Arij Al Khafagi

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Le lundi 21 novembre 2023, Arij Al Khafagi, étudiante en quatrième année de sciences infirmières à l'Université du Manitoba, a été suspendue en raison des messages qu'elle a publiés sur les médias sociaux pour exprimer son opposition à la violence d'Israël contre les Palestiniens de Gaza. En plus de sa suspension, Mme Al Khafagi a reçu une réprimande de cinq ans sur son relevé de notes, bien qu'elle soit une étudiante exemplaire et la présidente de l'association des étudiants en soins infirmiers.

Les messages publiés sur les médias sociaux par Mme Al Khafagi faisaient l'éloge de l'opposition juive à la guerre d'Israël contre Gaza et contenaient une image d'une caricature politique comparant un soldat israélien à un soldat nazi.   Bien que ces messages aient été publiés sur le compte Instagram personnel d'Al Khafagi, des plaintes anonymes ont été déposées auprès de l'Université du Manitoba, qualifiant les messages d'Al Khafagi d'antisémites et de discriminatoires à l'égard des étudiants juifs.

Pourquoi cet incident est-il considéré comme du racisme anti-palestinien (RAP) ?

La suspension d'Al Khafagi pour avoir exprimé ses opinions personnelles en opposition à la violence israélienne viole son droit à la « liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression », tel qu'énoncé à l'article 2(b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Ses publications sur les médias sociaux n'incitent pas à la violence ou à la haine à l'encontre d'une personne en raison de sa religion, de son appartenance ethnique ou de sa race, mais reflètent son opposition politique aux actions et aux pratiques du gouvernement israélien : des opinions qu'elle a le droit d'exprimer librement.

Dans leur rapport sur le racisme anti-palestinien, L'Association des juristes canadiens arabes (AJCA) déclare que la tentative de diffamer les Palestiniens ou leurs alliés comme étant intrinsèquement antisémites est une forme de RAP.[1] Il est extrêmement cynique et raciste de choisir d'interpréter la critique d'Al Khafagi à l'égard d'Israël pour le meurtre de milliers de Palestiniens à Gaza comme étant intrinsèquement antisémite.  Les partisans d'Israël utilisent la définition controversée de l'antisémitisme de l'IHRA et ses exemples pour suggérer que la critique d'Israël est antisémite.  Cependant, la définition de l'IHRA est critiquée par de nombreuses personnes, précisément pour cette raison, car elle associe la critique d'Israël à l'antisémitisme.  Par conséquent, la suspension d'Al Khafagi et la réprimande académique subséquente de l'Université du Manitoba sont des exemples classiques d'ARP. En qualifiant d' « antisémites » les critiques d'Al Khafagi à l'égard du gouvernement ou de l'armée israélienne, ses préoccupations politiques légitimes sont discréditées et son soutien à la vie palestinienne est vilipendé. Plus important encore, la suspension d'Al Khafagi reflète l'exclusion et la marginalisation auxquelles les Palestiniens et leurs alliés sont souvent confrontés lorsqu'ils critiquent publiquement le gouvernement et l'armée israéliens.

Complément d'information sur l'incident

En novembre 2023, deux députés conservateurs, Richard Perchotte et Obby Khan, ont écrit une lettre à la ministre de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle, Renée Cable, au nom de Mme Al Khafagi. Ils ont exigé qu'Al Khafagi puisse poursuivre ses études malgré son enquête et que sa suspension « envoie un message inacceptable en pénalisant académiquement une étudiante pour s'être exprimée ».[2]

Une campagne par courrier électronique a été lancée par les Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) peu après la suspension d'Al Khafagi. Cette campagne a connu un grand succès, recueillant plus de 12 000 réponses. CJPMO a affirmé que l'Université du Manitoba avait « cédé à de vagues critiques selon lesquelles les messages d'Al Khafagi s'opposant à la violence israélienne étaient antisémites » et a demandé qu'Al Khafagi soit 1) réintégrée immédiatement dans son programme de soins infirmiers, 2) qu'elle reçoive des excuses de la part de l'école de soins infirmiers de l'Université du Manitoba et 3) que son dossier académique soit effacé.

Al Khafagi a également reçu le soutien de la communauté étudiante [3] et des professeurs de l'université du Manitoba, qui ont notamment pris la parole lors de son audition, ont rappelé l'importance de la liberté académique et ont contesté l'affirmation selon laquelle les messages qu'elle a publiés sur les médias sociaux étaient antisémites ou discriminatoires à l'égard des Juifs en raison de leur religion ou de leur appartenance ethnique.

Résolution

Le 29 janvier 2024, la suspension d'Al Khafagi a été annulée, elle a été réintégrée dans son programme de soins infirmiers et sa réprimande académique a été supprimée. En annonçant sa victoire, Al Khafagi a écrit : « J'espère que l'Université du Manitoba pourra être un centre de dialogue et de communication ouverts, un lieu où les préoccupations et les opinions sont exprimées ouvertement, et une institution où les étudiants ne sont pas censurés ».  Al Khafagi travaille activement contre l'islamophobie et le racisme anti-arabe sur le campus.

Dernière mise à jour

2024-03-12

[1] “Anti-Palestinian Racism: Naming, Framing and Manifestations,” April 25, 2022, Arab Canadian Lawyers Association, accessed Mar. 11, 2024 at https://static1.squarespace.com/static/61db30d12e169a5c45950345/t/627dcf83fa17ad41ff217964/1652412292220/Anti-Palestinian+Racism-+Naming%2C+Framing+and+Manifestations.pdf

[2] Dzsurdzsa, Cosmin, “Manitoba PC MLAs urge gov to intervene for nursing student suspended over anti-Israel activity, Nov. 29, 2023, True North, accessed Mar. 12, 2024 at https://tnc.news/2023/11/29/umanitoba-suspension-twitter/

[3] Thau-Eleff, Daniel, “Re: Re: U of M Prof’s concerns regarding nursing student suspension,” Jan. 9, 2024, The Manitoban, accessed Mar. 11, 2024 at https://themanitoban.com/2024/01/re-re-u-of-m-profs-concerns-regarding-nursing-student-suspension/46447/