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Wanda Nanibush a quitté le Musée des beaux-arts de l'Ontario (AGO) dans ce qui a été décrit comme une décision mutuelle. Toutefois, les initiés indiquent que sa démission est intervenue dans le contexte de son soutien public de longue date aux droits des Palestiniens, qui était devenu un point de discorde au sein de la galerie et de sa communauté élargie. Cette tension a été exacerbée par la réponse violente d'Israël à l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Nanibush a notamment établi des parallèles entre les expériences des peuples autochtones du Canada et des Palestiniens, en particulier dans un article publié en 2016 dans le magazine Canadian Art.[i] Stephan Jost, directeur général du musée, a reconnu l'honnêteté de Mme Nanibush et son rôle dans la promotion de l'art et des artistes autochtones au sein du musée, même si cela a donné lieu à des « conversations difficiles ».[ii]
Le 16 octobre 2023, Israel Museum and Art, Canada (IMAAC) a envoyé une lettre à Stephan Jost, PDG du Musée des beaux-arts de l'Ontario, exprimant ses préoccupations concernant les déclarations publiques de Nanibush contre Israël et accusant le musée de ne pas contenir sa promotion présumée de la désinformation haineuse.[3] La lettre envoyée par l'IMAAC accuse Nanibush d'avoir tenu des « propos incendiaires et inexacts contre Israël », et d'avoir insisté pour que le Musée des beaux-arts de l'Ontario organise une formation de sensibilisation à l'antisémitisme et adopte la définition de travail de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA) de l'antisémitisme.[4] Cette lettre reflète le débat controversé sur la définition de l'IHRA, critiquée par certains comme pouvant réduire au silence les critiques légitimes des politiques israéliennes. [5] C'est ce qui a provoqué le départ de Nanibush du musée vers le 21 novembre 2023.[6] Le Musée des beaux-arts de l'Ontario a confirmé le départ de Nanibush sans en détailler les raisons, invoquant des questions de personnel.[7] Toutefois, il y en a qui ont indiqué que ses opinions tranchées sur les droits des Palestiniens et des autochtones, entre autres, avaient à la fois enrichi l'institution et provoqué des frictions internes.[8]
Pourquoi cet incident est-il considéré comme du racisme anti-palestinien (RAP) ?
La démission de Wanda Nanibush du Musée des beaux-arts de l'Ontario illustre comment le fait de soutenir les droits des Palestiniens et de critiquer les politiques israéliennes peut conduire à des déclarations erronées et à des actions punitives, y compris la perte d'un emploi, sous couvert de racisme anti-palestinien, tel que défini dans le rapport de L'Association des juristes canadiens arabes (AJCA) sur le racisme anti-palestinien. La définition de l’AJCA indique clairement que « le racisme anti-palestinien prend diverses formes, notamment l'exclusion ou la pression exercée sur d'autres pour exclure les perspectives palestiniennes, les Palestiniens et leurs alliés ; la diffamation des Palestiniens et de leurs alliés par des calomnies telles que l'antisémitisme intrinsèque ».[9] Cet incident est un exemple de l'ARP où même les voix indigènes et la solidarité pour la Palestine sont réduites au silence par des colons au Canada qui soutiennent les atrocités des colons en Palestine.
Cet incident met en lumière les difficultés rencontrées par les personnes qui, dans le cadre de leurs fonctions institutionnelles, cherchent à remédier aux injustices historiques et à défendre les droits de la personne, en particulier lorsque leurs opinions politiques, telles que le soutien aux causes palestiniennes, font l'objet d'un examen minutieux. En outre, l'utilisation d'accusations d'antisémitisme pour rejeter ou faire taire des critiques légitimes des politiques d'Israël démontre un mélange troublant de commentaires politiques et d'allégations d'incitation à la haine. De telles actions violent non seulement le principe de la liberté d'expression, mais mettent également à l'écart les défenseurs des droits des Palestiniens, en ancrant plus profondément le RAP dans les environnements culturels et éducatifs.
Complément d'information sur l'incident
Le départ de Nanibush a immédiatement suscité un tollé et la publication de nombreuses lettres ouvertes pour la défendre, notamment une lettre signée par plus de 3 500 travailleurs culturels accusant les donateurs pro-israéliens d'avoir réduit au silence son plaidoyer en faveur de la liberté des Palestiniens.[10] Le Musée des beaux-arts de l'Ontario a ensuite réagi par le biais de la lettre ouverte de Stephan Jost du 30 novembre, reconnaissant la nécessité de revoir la position du musée sur l'expression politique et artistique et réaffirmant l'engagement de l'institution à soutenir les artistes indigènes.[11] La campagne « Let Wanda Speak », lancée par le Collectif des commissaires autochtones (ICCA), a exigé que Nanibush soit autorisée à partager librement son point de vue, soulignant l'appel plus large à la transparence et à la responsabilité de la part du musée concernant son départ.[12] Cette série d'événements a mis en évidence la tension entre la défense des droits des Palestiniens et les accusations d'antisémitisme, soulignant la nécessité d'un dialogue plus inclusif et plus transparent au sein de la communauté artistique.
L'incident de Nanibush a suscité une vive controverse, soulevant des questions sur l'attachement de l'institution à la liberté d'expression, à la décolonisation et à la diversité, tout en affectant ses liens avec les communautés artistiques indigènes et raciales. Cette situation souligne les défis auxquels les institutions culturelles sont confrontées lorsqu'elles abordent des questions politiques complexes, telles que la défense des droits des Palestiniens, d'une manière qui favorise le dialogue et le respect. En outre, elle met en lumière la question plus large du racisme anti-palestinien (RAP) dans le secteur artistique, qui est étroitement liée à la dynamique du financement privé et public des institutions artistiques. L'appel lancé à Nanibush pour qu'elle ait la possibilité d’exposer ouvertement son point de vue est considéré comme un pas décisif vers la clarification des événements qui ont conduit à sa démission. Cet appel est une invitation à rétablir la confiance et la compréhension entre le musée et les communautés qu'il vise à représenter et à servir.
Résolution
Wanda Nanibush a démissionné du Musée des beaux-arts de l'Ontario en novembre 2023. Elle n'a jamais expliqué publiquement les facteurs sous-jacents à cette décision. L'AGO n'a pas non plus fourni d'autres détails, mais son directeur Stephen Jost a noté que tous les musées étaient invités à « mieux définir les droits et les limites de l'expression politique et artistique ».[13]
Dernière mise à jour
2024-03-25
[1] O’kane, J., “Indigenous curator’s departure from AGO underscores tensions over Israel-Hamas war at art institutions” Nov. 21, 2023, The Globe and Mail, accessed Mar 27, 2024, at https://www.theglobeandmail.com/arts/article-indigenous-curator-ago-wanda-nanibush/?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter
[2] O’kane, J., “Indigenous curator’s departure from AGO underscores tensions over Israel-Hamas war at art institutions” Nov. 21, 2023, The Globe and Mail, accessed Mar 27, 2024, at https://www.theglobeandmail.com/arts/article-indigenous-curator-ago-wanda-nanibush/?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter
[3] Lawson-Tancred, J., “Fallout Over the Surprise Departure of Art Gallery of Ontario’s Indigenous Curator Escalates,” Jan.24, 2024, Artnet, accessed Mar. 27, 2024, at https://news.artnet.com/art-world/fallout-over-the-surprise-departure-of-art-gallery-of-ontarios-indigenous-curator-escalates-2422632#:~:text=The%20Art%20Gallery%20of%20Ontario,guilty%20of%20%E2%80%9Chate%20speech.%E2%80%9D
[4] O’kane, J., “Indigenous curator’s departure from AGO underscores tensions over Israel-Hamas war at art institutions” Nov. 21, 2023, The Globe and Mail, accessed Mar 27, 2024, at https://www.theglobeandmail.com/arts/article-indigenous-curator-ago-wanda-nanibush/?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter
[5] Dekers, J. & Coulter, J., 2022, “What Is Wrong with the International Holocaust Remembrance Alliance’s Definition of Antisemitism?” Res Publica, 28(4): 733-752, doi: 10.1007/s11158-022-09553-4
[6] O’kane, J., “Indigenous curator’s departure from AGO underscores tensions over Israel-Hamas war at art institutions” Nov. 21, 2023, The Globe and Mail, accessed Mar 27, 2024, at https://www.theglobeandmail.com/arts/article-indigenous-curator-ago-wanda-nanibush/?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter
[7] News Desk, “INDIGENOUS ART CURATOR WANDA NANIBUSH DEPARTS ART GALLERY OF ONTARIO,” Nov. 27, 2023, ArtForum, accessed Mar.27, 2024 at https://www.artforum.com/news/indigenous-curator-wanda-nanibush-departs-art-gallery-of-ontario-543806/
[8] O’kane, J., “Indigenous curator’s departure from AGO underscores tensions over Israel-Hamas war at art institutions” Nov. 21, 2023, The Globe and Mail, accessed Mar 27, 2024, at https://www.theglobeandmail.com/arts/article-indigenous-curator-ago-wanda-nanibush/?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter
[9] “Anti-Palestinian Racism: Naming, Framing and Manifestations,” Apr. 25, 2022, Arab Canadian Lawyers
Association, accessed Mar. 4, 2024 at https://static1.squarespace.com/static/61db30d12e169a5c45950345/t/627dcf83fa17ad41ff217964/1652412292220/Anti-Palestinian+Racism-+Naming%2C+Framing+and+Manifestations.pdf
[10] Taylor, K., “AGO loses its cool over equity, reconciliation and Israel-Palestine,” Dec. 2, 2023, The Globe and Mail, accessed Mar. 27, 2024 at https://www.theglobeandmail.com/arts/art-and-architecture/article-ago-loses-its-cool-over-equity-reconciliation-and-israel-palestine/
[11] Indigenous Curatorial Collective, “Let Wanda Speak,” Jan. 30, 2024, accessed Mar. 27, 2024 at https://iccaart.com/let_wanda_speak/
[12] Indigenous Curatorial Collective, “Let Wanda Speak,” Jan. 30, 2024, accessed Mar. 27, 2024 at https://iccaart.com/let_wanda_speak/
[13] Puzic, S., “AGO says it will review policies amid criticism over Indigenous curator’s departure,” Nov.30, 2023, CityNews, accessed Mar. 27, 2024 at https://toronto.citynews.ca/2023/11/30/ago-says-it-will-review-policies-amid-criticism-over-indigenous-curators-departure/